Corse, corses, la suite...

Au détour d'un virage, après avoir évité le bus local qui a failli nous envoyer dans le fossé, on a vu l'atelier. Une bicoque à l'air d'une bergerie, comme il y en a des milliers dans ces montagnes. Le village doit avoir une centaine d'âmes, à tout casser.

La bergerie, elle, elle en a une âme à part. L'âme du feu... la forge, la passion, le métal en fusion... on est chez un maitre coutelier.

L'atelier du Lotus était dans le village de A Sarra di Farru, j'ai appris entre temps qu'ils ont demenagé à Levie, dans l'Alta Rocca. Ils faisaient ces couteaux courbes avec l'entaille caractéristique pour filer le rotin, et sur le chant, il y avait LE LOTUS, leur signature.

Ils m'ont montré des pièces exceptionnelles, des aciers damassés, du grand art - j'ai acheté le canif le moins cher du magasin mais ça n'a pas empêché le maitre de la forge de me montrer la technique de l'acier damassé, la collection de pièces anciennes... Quand je lui ai parlé de Thiers, il s'est mis en colère!

"Ils ont rempli la Corse de couteaux longs et fins qu'ils ont appelé commercialement "La Vendetta" - N'importe quoi!" qu'il dit.

"C'est une copie minable de la "navaja", un couteau espagnol, et ça n'a rien de corse! Nous, on est des bergers. Le couteau, c'est pour le fromage, pour sculpter le bois, pour filer le rotin et le tresser... Pour la vendetta... on  n'a pas besoin de couteau... on a le plastique... le fusil a canon scié... Ou on a ça..." Et il me sort un stylet, une pièce de l'époque génoise - on maniait aussi bien le flacon de poison que le stylet, à Gênes - aussi bien que les florentins. C'était ciselé comme un bijou précieux...

Je suis parti avec des images de fers incandescents, de couches d'acier moiré et de côtes en défense de mammouth

Lui, c'est un cornicciolu. Corne de chèvre et acier. Je le passe de temps en temps sur la pierre, et je rêve de Cupabia. C'est tout juste en contrebas de Sarra... et c'est une des plus belles plages que j'ai connu en Corse.

à dopu